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Journal d'école
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16 septembre 2021

En représentation chez Hanouna, Blanquer est-il toujours légitime ?

Capture 16092021

Blanquer en représentation chez Hanouna : une étape de plus dans la confusion des genres entre information et variétés, entre journaliste et animateur, entre politique et politique-spectacle. Une étape de plus dans la confiscation de la parole par un ministre qui passe le plus clair de son temps sur les plateaux télé ou dans les studios de radio. Une étape de plus dans les habitudes de flagornerie de l’interviewer. Une étape de plus dans la mise en scène d’un ministre que n’arrêtent aucune réserve, aucun doute, aucun scrupule, aucune gêne, aucune honte. Parfois, on est gêné pour lui et souvent, on a honte de voir le débat éducatif (et politique) tomber aussi bas.

En dehors d’installer une nouvelle fois le ministre sur le devant de la scène – mais c’était son objectif – cette dernière pitrerie aura une nouvelle fois mis en lumière le très réel déficit de crédibilité de Blanquer : en accumulant les approximations, les erreurs, les mensonges, tout occupé à gonfler son bilan, à entretenir son image de « meilleur ministre de l’éducation que la France ait connu » (la formule est de lui), Blanquer creuse avec obstination et peut-être une certaine dose d’inconscience le fossé qui sépare son monde à lui du monde réel, l’école telle qu’il en parle et l’école au quotidien.

Un déficit de crédibilité qui interroge l’honnêteté d’un ministre qui, de fait, depuis sa nomination, n’existe qu’à travers la désignation d’adversaires : « pédagogistes », en réalité des enseignants qui réfléchissent à leurs pratiques professionnelles sans  attendre par principe la circulaire du BO ni le prochain vade-mecum ; enseignants « islamo-gauchistes », nébuleuse mystérieuse, jamais définie, accusée de mettre à mal les valeurs tout autant mystérieuses de la république ; parents également, considérés comme incapables d’éduquer leurs enfants et dont il faut surveiller les dépenses, parents suspectés d’entretenir le communautarisme, parents privés du libre choix du mode d’instruction de leurs enfants (et peut-être pour bientôt, du libre choix du prénom de leurs enfants…) Une vindicte ministérielle inépuisable ciblant les partenaires naturels de l’école.

Déficit de crédibilité, déficit d’honnêteté : inévitablement, c’est alors la légitimité de Blanquer qui se trouve remise en cause mais également – et c’est plus problématique – celle d’une administration responsable de plus de 12 millions d’élèves et d’un personnel qui dépasse le million de salariés. Au fil des ans, la personnalisation de la politique éducative autour de l’image du ministre par la saturation de l’espace médiatique (à un niveau qu’on n’a jamais connu) aboutit à une dénaturation de la notion de service public, une confusion entre le service public et le service du ministre. L’intérêt du ministre avant l’intérêt général. De fait, il est incontestable que ce dernier use et abuse de son poste pour promouvoir sa carrière personnelle et des ambitions politiques qu’il ne prend même plus la même de dissimuler, comme chacun a pu le remarquer lors de sa prestation chez Hanouna. Pour ce faire, il utilise sans scrupules tous les rouages d’une administration au fonctionnement centralisé à l’extrême, une tendance certes ancienne qui lui préexistait mais qu’il exagère jusqu’à fausser la fonction de tout un système éducatif.

Les recteurs, qu’il choisit (parfois parmi ses amis personnels, comme le recteur de Paris) et nomme directement, sont le symbole d’une administration aux ordres ; ce sont d’abord des politiques, non pas en charge d’une politique éducative qui serait démocratiquement élaborée mais des hauts fonctionnaires au service de caprices et/ou de desseins jamais débattus, jamais discutés autrement que dans le secret du cabinet du ministre et qui répondent d’abord à la question de savoir quel bénéfice personnel ledit ministre pourra en retirer.  Du recteur jusqu’aux établissements, en passant par tous les échelons de la hiérarchie intermédiaire, la pyramide Education nationale prend alors le relais pour imposer des mesures qui, précisément parce qu’elles sont élaborées dans l’arbitraire le plus total, posent un réel problème de légitimité.

Blanquer chez Hanouna : pas seulement une nouvelle facétie d’un ministre qui s’est fait une spécialité de la mise en scène de tous ses faits, gestes et paroles. Blanquer chez Hanouna, c’est aussi le dernier avatar en date d’une confusion des genres, d’une instrumentalisation des questions éducatives au profit d’intérêts particuliers, dans le contexte d’une année électorale où l’éducation fera, comme c’est la tradition, l’objet de toutes les surenchères partisanes et de tous les fantasmes.

Une surenchère dont, fatalement, les élèves feront les frais : une constatation qui revient trop souvent pour qu’on repousse indéfiniment la perspective d’une dissociation entre un service public d’éducation garant de l’intérêt général et une administration sclérosée et brutale dont les préoccupations sont manifestement d’une autre nature.

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