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Journal d'école
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2 décembre 2021

L'école dans la paranoïa électorale

Qu’en 2021, en France, quelques milliers d’encartés et de sympathisants LR puissent faire d’un clone de Mussolini un présidentiable crédible et peut-être même un président, voilà qui en dit long sur le piteux état de la démocratie. Démocratie que la France n’est plus, si tant est qu’elle l’ait déjà été. En tout cas, parmi toutes les conséquences dommageables de la primaire LR, celles qui touchent l’école sont les plus redoutables. Les conceptions éducatives des deux vainqueurs, Ciotti et Pécresse, leur projet pour l’école, ouvrent des perspectives proprement ahurissantes : il s’agit de faire revenir l’école loin en arrière mais pas seulement.

Ciotti et Pécresse partagent en commun la conception d’une école fondée sur la sélection sociale : l’apprentissage dès 14 ans, l’examen d’entrée en 6e ciblent par nature les enfants des milieux défavorisés pour lesquels les rudiments (abusivement qualifiés de fondamentaux) seront toujours considérés comme suffisants. A travers ces deux mesures emblématiques, c’est bien d’un retour à l’école du passé qu’il s’agit, organisée sur un ordre primaire pour les enfants du peuple, hermétiquement séparé d’un ordre secondaire réservé aux milieux aisés. Ce faisant, il s’agit de tirer un trait sur plusieurs décennies de démocratisation/massification* de l’école, balisée par l’allongement de la scolarité à 16 ans, l’ouverture des études secondaires à tous, le collège unique tellement détesté des conservateurs. Une ouverture qui, certes, ne s’est pas faite sans difficultés mais plutôt que de s’interroger sur les causes, on fait le choix d’un brutal retour un arrière : si la démocratisation de l’école pose problème, c’est bien le signe qu’il faut en finir avec la démocratie scolaire. Si la justice sociale par l’école n’est pas possible, finissons-en avec la justice sociale…

Mais comme si ce projet furieusement réactionnaire ne suffisait pas, Ciotti y ajoute une délirante dimension disciplinaire/identitaire : uniforme scolaire obligatoire, Marseillaise et lever des couleurs chaque matin dans tous les établissements, quelque chose qui n’a jamais existé dans le système éducatif français, qui n’existe dans aucune démocratie, d’une inspiration proprement totalitaire. Un cauchemar d’école.

Reste alors à savoir comment on en est arrivé là, comment, dans la France du 21e siècle, un projet aussi brutal peut tout-à-coup rentrer dans le domaine du possible. Un projet également partagé par Zemmour et Le Pen … et par un électorat potentiel largement majoritaire (LR + RN + Zemmour).

On est bien obligé de constater que cette violente réaction ciblant l’école ne vient pas de nulle part, facilitée, entretenue par une rhétorique décliniste qui a pignon sur rue et micros ouverts depuis bien longtemps, celle qui fantasme sur une école du passé où chacun savait rester à sa place, une école qui formait de bons soldats et des travailleurs dociles. Une rhétorique qui, même si la constatation est affligeante, a ses défenseurs à l’intérieur même de l’école. Mais une rhétorique qui, également, a trouvé un allié de poids en la personne de Blanquer dont la politique rétrograde, les incessantes dénonciations provocatrices, ont donné un surcroît de légitimité à une extrême-droite qui n’en avait pas besoin. C’est en spécialiste que Le Pen, il y a déjà 4 ans, pouvait adouber Blanquer : « Jean-Michel Blanquer reprend à son compte nos idées sur l'école. Je ne peux que m'en féliciter. C'est une victoire idéologique pour nous, et une défaite des pédagogistes, qui ont fait tant de mal au pays ! »

Capture 02122021 2Et si le spectacle des élèves en uniforme, au garde-à-vous chaque matin devant le drapeau aux accents de la Marseillaise peut aujourd’hui rentrer dans les programmes « éducatifs », cette pitrerie n’est après tout qu’une des déclinaisons du SNU que l’Education nationale s’emploie à mettre en place sous la houlette d’une administration aux ordres, dans un silence assourdissant… Mais comme toujours, ce sont les élèves qui paieront la facture.

 

* Les deux termes ne sont pas synonymes mais ce n’est pas le sujet de cette note.

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