Racisme républicain
Guillemets :
« on voudrait réduire les émeutes des banlieues à leur dimension sociale, y voir une révolte de jeunes contre la discrimination et le chômage. Le problème est que la plupart sont noirs ou arabes avec une identité musulmane (...). On nous dit que l’équipe de France est admirée parce qu’elle est black-blanc-beur (...). En fait, aujourd’hui, elle est black-black-black, ce qui fait ricaner toute l’Europe (...). Désormais on enseigne que [l’histoire coloniale et l’esclavage] furent uniquement négatifs et non que le projet colonial entendait éduquer et amener la culture aux sauvages (...).Mais personne ne les [les enfants d’immigrés] retient ici ».
Le Pen à la fête des bleus-blancs-rouges ? Non : Finkielkraut au quotidien isaréelien Haaretz [Le Monde, 23/11/05]. Après Carrère d’Encausse, après beaucoup d’autres, la diatribe nauséeuse de Finkielkraut montre à quel point le racisme a gangrené une large fraction de l’intelligentsia et des faiseurs d’opinion. Depuis plusieurs années, la défense et l’exaltation de la république ont dangereusement dérivé, au point de devenir l’étendard d’un racisme qui ne cherche même plus à se cacher. Il ne s’agit pas seulement d’une forme de lepenisation des esprits mais d’une tendance lourde de la république à mettre en œuvre des valeurs bien davantage nationales que républicaines. Il existe un véritable racisme républicain[1] qui se manifeste tout au long de l’histoire – depuis les préfets de la IIIe République qui fichaient les étrangers et les juifs dans les années 30, jusqu’aux persécutions contre quelques jeunes filles voilées considérées comme une menace pour la république – et s’affiche sans retenue dans l’occupation policière de certains quartiers comme dans les discours politiques où (extrême-)droite et gauche se retrouvent de concert. Une république qui préfère se cacher derrière la défense musclée et policière de ses symboles, drapeau et Marseillaise, pour mieux faire oublier qu’elle n’a plus rien à voir avec ses valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité.
Alors que le racisme n’est plus en France un délit, qu’il est même en train de devenir le passage obligé du politiquement correct, les parlementaires eux, se lachent contre les rappeurs qui incitent selon eux au « racisme anti-blanc » et à « la haine de la France ». Là non plus, ce n’est toujours pas du Le Pen mais de l’UMP (153 députés, 49 sénateurs) qui demandent au ministre de la justice (si, si, ça existe) d’ouvrir des poursuites à l’encontre de plusieurs groupes de rap (Le Monde, 24/11/05). Et moi qui aime par-dessus tout la basse de viole de Marin Marais ou le piano de Chopin, j’avoue ressentir un intense plaisir à la lecture (parce que la musique, bon effectivement...) des textes de Monsieur R. : « La France est une garce, n’oublie pas de la baiser jusqu’à l’épuiser ! (...) Moi, je pisse sur Napoléon et sur le général de Gaulle . » Faire pipi sur la France, c’est plus grave que passer une cité au karcher ?
[1] pour reprendre l’expression de Pierre TEVANIAN, Le racisme républicain, L’esprit frappeur, 2001.