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Journal d'école
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11 juin 2006

La racaille version Royal

Puisque l’histoire a été rendue publique, on ne va pas se gêner pour en parler. Le week-end dernier, un des fils de Royal, âgé de 19 ans, a été interpellé, la nuit, par la police, avec des copains un peu éméchés. Bris de luminaire, dégradation de panneaux de signalisation. Pas de quoi fouetter un chat et il ne me serait pas venu à l’esprit d’encombrer mon Journal d’école avec ça si Madame mère n’avait cru bon d’y aller de son commentaire : « Ce sont des trucs de gamins – a-t-elle précisé – mais c’est pour lui une expérience de la vie ».  Cette même Madame mère, qui, quelques jours plus tôt devant la presse, évoquait la nécessité d’envoyer les gamins en question se faire redresser dans un camp militaire « au premier acte de délinquance » et d’intervenir à la maternelle « au premier acte d’incivilité ».  Pour Madame mère et les trois quarts de l’opinion publique, qui, paraît-il, l’approuvent, il y aurait donc « gamins » et « gamins » : ceux qui poursuivent des études longues, qui ont leurs parents à la maison, probablement la peau claire et qui n’ont pas un nom à coucher dehors. Ceux-là peuvent donc se permettre des « trucs ». Les camps militaires et les internats, ce n’est pas pour eux. Pour les autres, ceux qui ne poursuivent pas d’études longues, juste des stages ou des petits boulots par ci par là, qui n’ont pas forcément leurs parents à la maison, c’est une autre affaire ; d’autant qu’ils ont le plus souvent des noms à coucher dehors et la peau un peu sombre. Ce sont eux qui devraient peupler les camps militaires et les internats dont rêve Madame mère. Une approche raciale, une approche raciste, donc, de la question sociale.

Anecdote à rapprocher de l’analyse fournie par Philippe Meirieu dans un dernier article, « Le renouveau par l’école » (Libé, 08/06/2006) qui s’intéresse, justement, à la facilité avec laquelle la classe moyenne, majoritaire, accepte les politiques et discours stigmatisants à l’encontre de la jeunesse : cette jeunesse stigmatisée, ce n’est pas la sienne, du moins le pense-t-elle. La racaille, c’est toujours l’autre. Et Philippe Meirieu de poursuivre : « [La classe moyenne] ...préférerait que la démocratisation de l’école s’arrête là : « Pourquoi payer plus d’impôts pour intégrer des lascars qui risquent de venir déranger, voire racketter nos propres enfants ? » Et le pédagogue de s’interroger sur « le silence assourdissant » par lequel on a accueilli l’abaissement de l’âge de la scolarité obligatoire. Ce qu’ont entendu et retenu les Français des déclarations de Royal c’est : « Confions donc les lascars à l’armée... Au moins, comme cela, ils ne seront pas dans les classes avec nos enfants ! Et tant qu’à faire, mettons-les donc dans l’entreprise avant, pour que nos collèges retrouvent leur calme ! »

Pour contrer ces fantasmes d’apartheid et d’exclusion qui dépassent très largement l’électorat traditionnel de l’extrême-droite, mais qui conduisent à voter comme elle, Philippe Meirieu en appelle à un « renouveau par l’école », un « vrai projet éducatif », qui peut se construire «  en pariant sur l’éducabilité de tous les jeunes, en se proposant de faire acquérir à chacun le goût de la culture et non simplement les savoirs fonctionnels d’un hypothétique « socle commun », en s’attaquant sérieusement aux inégalités par une modulation de la dotation à tous les établissements en fonction des difficultés des familles qui y sont scolarisées et en misant sur une vraie politique de prévention, de la petite enfance à l’adolescence et au-delà. »

Contre la racaille, la pédagogie c’est quand même mieux que le kärcher ou les camps militaires.

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Commentaires
L
Vos propos ne sont pas du tout "hors sujet" et si vous avez le temps de circuler un peu sur "Journal d'école", vous y verrez que la pédagogie mène loin et que l'école mène à tout..., à condition d'en sortir.<br /> <br /> Je pense que vous ne m'avez pas bien compris ou que je me suis mal expliqué, ce qui revient au même : en tant que prof de collège, je suis parfaitement d'accord avec vous pour reconnaître que les élèves qui "affichent des déficits sérieux dans les connaisances de base" après dix années de scolarité existent bel et bien. Je pense néanmoins que ce ne sont pas les élèves qui sont en cause et qu'avec un peu de bonne volonté, on pourrait faire en sorte que les dix années en question leur soient un peu plus profitables. J'ai un peu l'impression que nous n'intervenons pas au même niveau de développement de l'élève ; ce qui vous importe c'est l'élève à partir de 14 ans, une fois qu'il est en situation d'échec, alors que pour moi, ce qui compte, c'est l'élève avant 14 ans, à l'intérieur de la salle de classe. Une bonne pédagogie, c'est ce qui lui permettrait de mieux maîtriser son avenir.
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M
Loin de moi l'intention d'"injurier" qui que ce soit dans mes propos.Je pense que ,malheureusement , le débat d'idées aujourd'hui se résume trop souvent à des échanges de "coups" et que chacun reste figé dans ces certitudes.<br /> -Non l'apprentissage à 14 ans n'est pas à mon avis une bonne formule<br /> -Non l'exercice et l'apprentissage d'un métier ne sont pas condamnables.<br /> -Oui les dispositifs d'orientation envoient vers l'apprentissage des métiers les jeunes dont le "système" ne veut plus.Les autres (qui ont choisi d'apprendre un métier y viennent par eux même )<br /> - Par contre je suis bien incapable de dire si la solution efficace pour les jeunes ayant suivi plus de dix ans de scolarité obligatoire et affichant toujours des déficits très sérieux dans les connaissances de base ,consistera à les scolariser encore plus longtemps, eux qui , vous le savez bien ,n'ont qu'un souhait , celui de quitter l'environnement de l'école traditionelle.<br /> -Oui je suis convaincu que la formation par apprentissage constitue souvent ,que vous le vouliez ou non , une chance d 'épanouissement pour beaucoup de jeunes qui n'ont pas les mêmes repères que les votres et c'est bien dans ce sens que je vous ai écrit ce que vous avez pris pour une injure.<br /> -Pour finir , avez vous pris la peine de voir d'un petit peu plus près les références et chiffres que je vous ai communiqués dans mon mail précédent?<br /> <br /> PS/ je suis bien conscient que mes propos sont un peu hors sujets sur un site appelé "journal d'école" plus particulièrement axé sur des débats d'ordre pédagogique.
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L
"...ne pas accepter une autre forme d'intelligence que l'intelligence conceptuelle développée (...) dans les grands lycées". Franchement, on m'a déjà envoyé pas mal d'injures sur ce blog mais là, j'en reste coi : si vous saviez tout le mal que je pense des "grands lycées", du formatage des cerveaux et du bachotage qui restent encore les mamelles de ce type d'enseignement.<br /> <br /> Si l'apprentissage à 14 ans est condamnable, ce n'est pas le "métier" lui même qui l'est, encore moins le travailleur manuel mais simplement qu'on prend le problème par le mauvais bout. Face à un élève qui se trouve en situation d'échec scolaire, qui a le dégoût de l'activité scolaire, deux solutions sont possibles : l'exclure du système à 14 ans ou bien, dans les années qui précèdent, les premières années de collège, chercher, justement à ne pas le décourager, le dégoûter de l'école. C'est cette seconde proposition qui a ma préférence. Cela passe par une rénovation radicale des contenus et des méthodes d'enseignement, rénovation qu'on se refuse justement à mettre en oeuvre. C'est un abus de langage que de parler de "seconde chance" à propos de l'apprentissage alors qu'on a refusé aux élèves une première chance, celle d'un système scolaire qui leur aurait permis de trouver leur voie. On ne peut quand même pas reprocher à Philippe Meirieu d'être responsable des blocages du système éducatif sur des modèles révolus. Il est frappant de constater que l'abaissement de l'âge de la scolarité obligatoire a été le fait du ministre le plus conservateur qu'on ait connu.<br /> <br /> Les élèves qui quitteront le collège à 14 ans sont ceux qui ont déjà le plus de lacunes dans les apprentissages de base, lecture, écriture. Comment pourront-ils alors combler leur retard ? Ils sont destinés à occuper les emplois les moins qualifiés, les moins rémunérés parce que, justement, ils étaient en situation d'échec scolaire. C'est d'abord sur une rénovation de l'école qu'il faut faire porter les efforts : que peut-il sortir d'une orientation par l'échec, par dégoût, par découragement ?
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M
Avec tout le respect que j'éprouve pour P.Meirieu et tous les agitateurs d'idées de bonne foi , je tiens toutefois à leur faire remarquer qu'une certaine idéologie les éloigne souvent de la réalité :<br /> -pourquoi parler d'abandon de la scolarité obligatoire en se référant à la formation par l'apprentissage , alors que , vous ne pouvez pas l'ignorer , cette voie de formation INITIALE conduit aux mêmes diplômes que ceux préparés en lycée professionnel, et nous dit on (enquêtes CEREQ)avec des taux de réussite et d'insertion de plus en plus satisfaisants.Certes , les jeunes qui ont à un moment de leur cursus décidé d'abandonner le circuit scolaire traditionnel ne seront probablement pas des lettrés ou des scientifiques de haut niveau , mais leurs connaissances n'auront rien à envier à ceux ayant suivi la même formation sous statut scolaire<br /> -d'autre part , "les gamins" dont vous prenez la défense , les fameux exclus du système scolaire , vous êtes vous vraiment demandé si l'entreprise et la formation par alternance ne constituaient pas une réelle seconde chance pour eux.Avez vous pris soin de lire dans le rapport sur le Débat National sur l'Avenir de l'Ecole <br /> (p 229 à 231 )ce que ressentaient ces jeunes , et pourquoi ils avaient le sentiment d'avoir enfin trouvé une place dans la société.<br /> L'augmentation du nombre d'apprentis en 15 ans (de 200 000 en 1992 a 370 000 aujourd'hui)est il le résultat d'un échec d'une voie de formation ou peut on s'interroger sur l'utilité de celle ci?<br /> <br /> Alors pourquoi culpabiliser ceux que vous souhaitez défendre et protéger , à savoir les éléments souvent en échec dans le système scolaire traditionnel , plutôt que de les aider à se valoriser et de les encourager à devenir des citoyens responsables .<br /> Je vois plusieurs réponses à cette interrogation :<br /> -soit vous ignorez tout de l'évolution des formations en alternance depuis les 15 dernières années et vous continuez à ne prendre pour référence que les modèles d'après guerre, <br /> -soit votre idéologie ne peut pas accepter une autre forme d'intelligence que l'intelligence conceptuelle développée dans les enseignements des grands lycées généraux (ou polyvalents)<br /> <br /> Dans les deux cas la démarche intellectuelle est particulièrement regrettable par rapport aux principes d'aide aux jeunes que vous semblez défendre dans l'affichage de vos idées et de vos convictions.<br /> <br /> <br /> MALYS
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L
Merci à JM de me l'avoir signalé. J'ai fait parvenir à la journaliste en question le message dont vous trouverez ci-dessous la copie. Si nous sommes plusieurs à faire la même chose, ce n'est peut-être pas idiot, non ?<br /> <br /> "Consternant. Non pas le niveau d'orthographe des élèves - que rien dans votre article, ne permet d'évaluer - mais tout bonnement votre travail de journaliste. 4 ou 5 témoignages de profs qui sont tous du même avis, référence obstinée à Brighelli et à Sauver les lettres, comme si l'orthographe et le français c'était eux et eux uniquement. Savez-vous quand même qu'il existe des études, des analyses documentées sur le sujet ? Par exemple un récent numéro des Cahiers pédagogiques consacré à l'orthographe ? Oui, mais une analyse serrée, ce n'est pas vendeur et à Libé comme au Figaro ou à France Soir, on sait qu'il faut d'abord faire du fric. On le sait depuis le vidage il y a quelques mois de Davidenkoff."
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