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Journal d'école
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24 janvier 2008

Darcos et Clovis : du bon usage de la blouse grise

« Il faut faire de l’école à l’école ! (...) Avant, les enfants d’ouvriers ou de paysans partageaient la même culture que les enfants de bourgeois ». En ce sinistre hiver, Darcos a enfilé sa blouse grise ; il s’agit présentement de faire plaisir aux lecteurs du Figaro (23/01/2008) et accessoirement, aux électeurs nostalgiques du bon vieux temps. Le bon vieux temps où les enfants d’ouvriers et de paysans n’usaient pas leur fond de culotte sur les mêmes bancs que les enfants des bourgeois : l’enseignement secondaire était le privilège de ces derniers seulement, les premiers devant se contenter des rudiments – et non des bases – d’un enseignement primaire qui permettait à peine à la moitié d’entre eux de décrocher le certificat d’étude. En ces temps bénis, les élèves avaient des « repères », perdus aujourd’hui : « Tous devaient connaître la date du baptême de Clovis, savaient placer les fleuves sur une carte [et la ligne bleue des Vosges également] et connaissaient les départements ». Le baptême de Clovis, les noms des fleuves et des départements, voilà la  culture commune rêvée par un ministre de l’Education nationale pour les citoyens du 21e siècle, un ministre qui a oublié au fond d’un tiroir quelques-unes des prescriptions du socle commun : « maîtriser le socle commun (...), c’est être en mesure de comprendre les grands défis de l’humanité, la diversité des cultures et l’universalité des droits de l’homme ». Un ministre qui, d’ailleurs, manifeste une mauvaise foi sidérante, feignant d’ignorer que, depuis qu’on enseigne l’histoire à l’école élémentaire, cette discipline a toujours pris la forme d’une histoire exclusivement « de France », faisant la part belle aux dates, parmi lesquelles le baptême de Clovis. Quand dans quelques semaines, Darcos (ou Sarkozy), viendra plastronner devant micros et caméras pour présenter les programmes «  rénovés » du primaire, y aura-t-il quelqu’un dans la salle pour lui faire observer que Clovis se trouvait déjà dans les programmes de 2002 comme dans ceux d’avril 2007, appliqués depuis la dernière rentrée (et donc complètement dépassés), comme ils l’ont été constamment depuis plus d’un siècle ?

Faire choix du baptême de Clovis comme «repère», relève d’une double manipulation du passé. D’une part, c’est ignorer que le « mythe du baptême-sacre » de Clovis (Suzanne Citron), est une invention historiographique qui ne peut en aucun cas servir de point de départ à la France d’aujourd’hui. D’autre part, c’est perpétuer la légende trompeuse d’une origine unique et commune aux 64 millions d’habitants que compte la France de 2008, alors que nombre d’entre eux, la majorité sans doute, ont leurs ancêtres, leurs racines, en dehors d’un hexagone dessiné artificiellement sur une carte. Il est d’ailleurs piquant de constater qu’alors que l’évocation par Sarkozy des « racines chrétiennes » de la France suscite à juste titre de vives réactions, de bons républicains intransigeants sur la laïcité, ne trouvent rien à redire à la place prise par Clovis dans les programmes de l’école de la république, accréditant ainsi une interprétation « cléricale » de l’histoire. Une certaine vision de la France, quasi religieuse donc, commune aux cléricaux et aux thuriféraires de la république.

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Commentaires
T
... au conseil national de l'UMP ?
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L
Savoir qui l'on est n'est pas savoir d'où l'on vient. Pour ce qui me concerne, la seule certitude est que je viens du ventre de ma mère (et encore, c'est parce qu'on me l'a raconté, je ne me souviens plus très bien) mais je suis peut-être une exception.<br /> La question que l'on doit se poser, surtout en politique, me semble-t-il, n'est pas tant de savoir d'où l'on vient mais où l'on va.
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T
Clovis je m'en tamponne le coquillard, et c'est plutôt Vercingétorix qui est un mythe républicain monté de toutes pièces (sous la IIIe, le "premier des français" ne pouvait être un roi converti au catholicisme qui plus est !!!)<br /> <br /> mais il faut bien à un moment donner des points de repère non ?<br /> <br /> savoir un peu d'où l'on vient, qui l'on est. On nous bassine qu'il faut que les petits rebeus par exemple retrouvent leurs racines, connaissent leur histoire et leur culture, et c'est bel et bien, mais pourquoi denier aux seuls français parmi tous les peuples le droit à avoir une mythologie des origines collective, des personnages ou des événements auxquels se raccrocher ? Pourquoi le MONDE ENTIER a le droit d'etre communautariste ou "fier" de son identité réelle ou supposée sauf les Français ?
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