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Journal d'école
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5 novembre 2006

Sortir de l'histoire de France

Ce n’est pas une surprise, la nouvelle enquête d’opinion de l’Ifop sur l’électorat du Front national (Le Monde, 04/11/2006) qui montre en particulier que la catégorie la mieux representée chez les sympathisants du FN est celle des ouvriers.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-830740@51-823442,0.html

Cet électorat n’attend nullement de Le Pen une amélioration de ses conditions de vie ou une politique efficace contre le chômage ; les sympathisants de Le Pen estiment à 86% qu’ « il y a trop d’immigrés en France » et c’est là-dessus qu’ils votent. Le reste, le chômage, la précarisation, le développement des inégalités et des injustices, les lourdes menaces que la dégradation de l’environnement fait peser sur le monde, le monde justement, la pauvreté de milliards d’individus, le mal-développement, les guerres, tout cela  n’est pas dans leur préoccupation. Boutons les étrangers hors de l’hexagone et tout ira mieux. C’est l’attachement à une certaine identité française, fantasmée, qui fait voter Le Pen. Une identité dont on persiste à penser qu’elle naît, au moins en partie, à l’école puisque c’est le rôle de l’école, à travers notamment, l’enseignement de l’histoire, que de contribuer à « faire naître chez les élèves une conscience nationale ». L’aveuglement et la complaisance qui, depuis une dizaine d’années, ont conduit les responsables politiques à renforcer le fait national à l’école (par exemple avec le retour de l’apprentissage de la chronologie nationale dans les programmes Chevènement ou avec la Marseillaise obligatoire) montrent tous leurs effets : ce n’est pas en récupérant, en cherchant à justifier des valeurs identitaires, nécessairement racistes et xénophobes, qu’on peut freiner la progression de l’extrême-droite dans l’opinion. Bien au contraire : lorsqu’à l’école, on réussit à ouvrir les élèves à l’histoire de tous les continents – mais l’histoire de l’Afrique, de l’Amérique, de l’Asie reste singulièrement absente du cursus scolaire – on montre alors facilement la vacuité de l’idée nationale et ses effets pernicieux. Reprendre à son compte l’idéologie de l’extrême-droite pour dissuader de voter Le Pen est un mauvais calcul : cela revient au contraire à donner une légitimité accrue à un système de pensée, centré sur la nation, système qu’il est facile de démonter avec juste un peu de bonne volonté.

Sur le même thème, voir aussi « Le Pen maître d’école » (Journal d’école, 24/04/2006).

http://journaldecole.canalblog.com/archives/2006/04/24/index.html

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Commentaires
T
hé oui ces vieux cons d'ouvriers qui sont passés par l'école républicaine. Alors que s'ils avaient tous été élevés par MérieuLubin, ils voteraient tous Besancenot en tapant les flics, mangeraient bio en écoutant du Bach, prendraient d'assaut les casernes pour en faire des IUFM et auraient envie de sortir respectueusement avec Clémentine Autain en embrassant les bandes de jeuens dans la rue !
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F
J'ai plus de respect pour les ouvriers qui bossent dur et créent de la richesse que pour ces branleurs de cités (et leurs soutiens bien pensants) qui ne foutent rien à part des milliers d'euros de destructions diverses
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M
Qu'un démagogue se serve de boucs émissaires pour gagner des voix, il n'y a là rien de neuf, hélas, sous le soleil; mais ce qui me gêne dans vos réflexions, c'est cette espèce de détestation des "classes laborieuses" (ici, les ouvriers, votant Le Pen), parce qu'elles n'adhèrent pas à l'angélisme du "tous ensemble" clamé par des hommes politiques qui font comme s'il n'y avait plus d'ouvriers en France et qui sont loin, très loin, de vivre dans les mêmes conditions que ceux-ci. Que dans un sondage, il soit d'abord question du "fait national" ne signifie pas que les gens se déterminent uniquement par rapport à cela (ils ne sont pas naïfs à ce point). C'est parce que la situation sociale, mais aussi la vie dans les quartiers populaires se sont à ce point dégradés que le vote FN est aussi fort (ce qui ne l'excuse évidemment pas). Gênante, donc, cette détestation à peine voilée du prolétariat, alors que dans le même temps vous ne condamnez pas, comme il le mériterait pourtant, ce "Sportanzugproletariat", successeur du Lumpenproletariat qui, lui, fait le jeu du système qui se met en place (vor entre autres ce que dit Michea sur la "caillera" et qui se trouve d'ailleurs sans problème en ligne). On ne me fera pas croire que l'an dernier, les émeutes en banlieue avaient une visée constructive. Prétendre alors que l'idée de nation, soit-disant inculquée dès le biberon aux jeunes générations, puisse avoir des conséquences aussi explosives, me semble au mieux d'une naïveté confondante, au pire franchement de mauvaise foi.
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