Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Journal d'école
Publicité
Archives
10 janvier 2007

Bivalence des enseignants : la mauvaise réponse à de vrais problèmes

Quand ils touchent à l’éducation, Ils ont un talent fou, les politiques, et spécialement de Robien, pour tout gâter. Alors que le cloisonnement des apprentissages scolaires ou le passage de primaire en collège posent de réels problèmes, de Robien n’imagine de solution que dans la bivalence des profs. Pratique : ça permettra quelques économies et, accessoirement, de montrer à l’électeur qu’on n’est pas disposé à s’en laisser compter par quelques grincheux de profs. Savoir ce que l’élève en retirera est une question qu’on n’aura pas l’insolence de poser. Car la tare du système éducatif et spécialement du collège est bien là, dans le compartimentage des savoirs et des compétences à acquérir par les élèves, héritage historiquement daté et nullement légitime. C’est à une époque relativement récente, en gros le 19e siècle, qu’on a pris l’habitude de diviser les connaissances en disciplines scolaires, aux limites arbitraires et aussi, d’ailleurs, la journée de travail en heures de cours, des heures de cours dont on ne finirait pas d’énumérer les méfaits. Pour ce qui est de l’histoire et de la géographie, qu’on me permette une anecdote personnelle, elles sont rares sur Journal d’école. Il y a peu, au cours d’une inspection en classe de 4e, je me suis vu reprocher d’avoir évoqué l’Union européenne dans un cours de géographie sur l’Europe, avec cet argument qui ne souffre aucune répartie : l’Europe, c’est de la géographie, l’Union européenne, c’est de l’éducation civique. De même, que, dans un cours de géographie sur Berlin, parler du Mur de Berlin est une faute car le Mur, c’est de l’histoire... Il n’est pas non plus recommandé de passer trop de temps à faire rédiger quelques textes personnels par les élèves, car, là encore, ce n’est plus de l’histoire-géo mais du français. Dans un même ordre d’idées, il faudra sans doute veiller à ne pas sortir sa calculette pour calculer une densité de population mais en laisser la charge au prof de maths. Et si l’inspecteur vient me voir dans un cours de 5e sur l’Eglise au Moyen Age, nul doute qu’il trouvera à redire aux développements que je me permets sur l’art gothique : ce n’est plus de l’histoire, c’est de la maçonnerie.

Ce cloisonnement du réel par des frontières étanches, outre qu’il est parfaitement artificiel, nuit gravement à la formation des élèves, à leur compréhension du monde dans lequel ils vivent. Lorsqu’en 1931 Marc Bloch publiait ses « Caractères originaux de l’histoire rurale française », était-il géographe ou historien ? Et l’on se trouverait bien ridicule de reprocher à Emmanuel Leroy-Ladurie de s’intéresser à la climatologie pour connaître l’histoire des hommes. Seule l’Education nationale, avec ses programmes étroitement corsetés, surveillés par un corps d’inspection zélé, ne semble pas craindre le ridicule. Il faut avoir une bien piètre connaissance de l’enseignement, ou entretenir de bien naïves illusions sur les élèves, pour ne pas se rendre compte à quel point il peut être déstabilisant et frustrant pour ces derniers – et pour certains profs dont je fais partie – de se voir  délivrer un savoir ainsi parcellisé qui n’a alors plus guère de sens. Est-ce vraiment la monovalence des enseignants qui fait problème ou, bien plutôt, cette survivance archaïque de programmes conçus sous un angle étroitement disciplinaire ?

Il est juste de reconnaître que l’institution a parfois tenté de dépasser cette approche, par exemple avec les TPE en lycée ou les IDD en collège. TPE et IDD qu’on sait dans le collimateur des derniers ministres. Et ce n’est pas une mince contradiction de la part d’un gouvernement, que de tenter, d’un côté, d’imposer la bivalence aux enseignants au nom de l’intérêt des élèves, alors que de l’autre, on saborde ces rares tentatives de rénovation de l’enseignement qui s’appuient, justement, sur un éclatement des disciplines traditionnelles.

Publicité
Publicité
Commentaires
L
"Ils "oublient" à ce moment là un point majeur de ce qu'ils professent habituellement, à savoir que chacun peut "accéder" de "façon différenciée" au savoir. <br /> Or, croyez-le ou non, il est des élèves qui apprécient vraiment le cours magistral -ou la pédagogie frontale-"<br /> <br /> Meles, vous devriez me relire : je n'ai jamais rien dit d'autre !<br /> Or, je constate notamment en hist-géo- qu'on ne propose rien d'autres que le frontal et que si l'on veut apprendre à TOUS, il faut diversifier, différencier, choisir la meilleure "technique" en fonction du lieu, du moment et de ce qui est à faire acquérir (et le frontal n'est pas toujours la meilleure méthode alors, loin s'en faut ... mais peut aussi avoir son intérêt, je vous le concède ... parfois seulement ). <br /> Mais souvent, les tenants du frontal ne jurent que par lui ...
Répondre
M
Evidemment que le plaisir n'est pas à négliger dans l'apprentissage, mais il ne saurait y avoir un primat du plaisir qui serait exigible à chaque heure de cours. D'autant que le plaisir, ça peut varier d'un individu à un autre, et que souvent, chez ceux qui récusent telles ou telles méthodes qu'ils jugent rétrogrades ou passéistes, ce que l'on voit en transparence, c'est surtout le déplaisir qu'EUX ont éprouvé en tant qu'élèves (ce qui est leur droit le plus strict, mais relève parfois de la détestation pure et simple de l'enseignement qu'ils ont "subi"). Ils "oublient" à ce moment là un point majeur de ce qu'ils professent habituellement, à savoir que chacun peut "accéder" de "façon différenciée" au savoir. <br /> Or, croyez-le ou non, il est des élèves qui apprécient vraiment le cours magistral -ou la pédagogie frontale- et qui prennent du plaisir à apprendre par coeur, ne serait-ce que parce que parfois, ce sont les méthodes les plus efficaces pour apprendre vite -et bien. Gare au retour du bâton...
Répondre
L
ce que je voulais dire c'est qu'on peut aussi faire "travailler" les élèves (voire leur en faire baver) sans leur apprendre quoique ce soit !<br /> <br /> La notion de plaisir ou au moins de sens n'est pas à négliger. Personnellement, j'aime bien "travailler", faire un effort quand j'y vois le sens, voire quand j'en tire satisfaction, non ?
Répondre
T
1) Les élèves ne viennent pas à l'école pour travailler mais pour apprendre.<br /> <br /> D'accord avec vous Lofi... Le jeu aussi peut être un formidable outil. J'ai appris qu'on pouvait faire payer des loyers à des salauds de pauvres en jouant au monopoly, et aussi que les japonaises ont des grands yeux, des seins énormes et le feu au cul en jouant à certains jeux vidéo sur ma playstation.
Répondre
M
Vouloir faire croire que l'apprentissage est dissociable du travail me semble irréaliste et mensonger: à un moment donné, il faut bien en passer par là. Que ce travail ne soit pas forcément un travail de force, cela va sans dire.
Répondre
Publicité