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Journal d'école
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6 mai 2007

Surmonter son dégoût

Jamais, dans une démocratie digne de ce nom, le pouvoir n’aurait dû tomber entre les mains d’une petite brute gominée, d’un arriviste sans scrupule, qui a eu l’occasion de montrer son vrai visage non pas seulement depuis quelques semaines comme on a feint de le croire mais depuis cinq ans qu’il est au pouvoir. L’ennui, c’est que depuis cinq ans, on lui a laissé le champ libre, à Sarkozy : les médias à la botte, la police également, force supplétive d’un ministre de l’Intérieur dans sa quête du pouvoir, mais aussi l’opposition politique, quasi-inexistante. Lorsque, dès l’été 2002, les premières lois sécuritaires ont commencé à donner un visage inquiétant à l’exercice du pouvoir, le PS, tout spécialement, s’est tu, quand il n’a pas applaudi, devant ce qui devait s’avérer rapidement une entreprise de brutalisation de la société. La campagne électorale n’a fait qu’aggraver cette dérive : ce n’est pas injurier la personne de Royal que d’affirmer que ses prises de position réitérées sur l’encadrement militaire des mineurs ou ses références obstinées aux symboles nationaux n'étaient pas les arguments les plus judicieux dans un débat politique où ces thèmes constituent justement le fondement idéologique de l’adversaire : une candidate chevènementisée, un parti gangrené par l’idée nationale, incapable de remettre en cause cette conception mortifère de la collectivité, tout cela ne pouvait conduire qu’au succès d’une droite extrême, une droite dure et xénophobe, largement traversée par les mauvais démons lepenistes. Combien faudra-t-il encore de défaites électorales pour que la gauche se rende compte qu’on n’a jamais rien à gagner en vendant son âme au diable, en laissant sa morale et ses convictions au vestiaire ? A moins, peut-être, que la morale et les convictions des vaincus ne soient pas fondamentalement différentes de celles des vainqueurs. Car il faut bien reconnaître qu’avec cette élection, les Français se montrent une nouvelle fois sous un mauvais jour : pour gagner leurs suffrages, pour remporter une élection, il faut leur faire peur et flatter leurs phobies. Et les peurs et les phobies, ils n’en manquent pas, à commencer par ce racisme latent, dissimulé sous les traits de ce qu’on appelle le patriotisme, mais aussi cette méfiance, cette frousse chevillée au corps pour tout ce qui a moins de dix-huit ans : a-t-on remarqué que le débat sur la délinquance a porté exclusivement sur celle des mineurs, pourtant responsables de moins de 20% des délits, et que les questions éducatives ont été phagocytées par les fantasmes sur l’autorité et la discipline ? Pour Sarkozy, l’éducation consiste à lancer sa police contre les enfants sans-papiers et à faire lever les élèves lorsque le prof entre entre en classe. Et l’on sait déjà que les premières lois qu’il fera voter dans les prochains mois viseront ses boucs émissaires favoris : les émigrés et les mineurs. Les braves gens pourront dormir tranquilles...en attendant les premières voitures brûlées. 40 millions de petainistes en 1940, 20 millions d’électeurs sarkozistes en 2007, la France éternelle a voté.

Et puisque l’on parle de l’école, on s’en voudrait, pour terminer, de ne pas évoquer la responsabilité considérable de certains de ses acteurs dans la prise du pouvoir par Sarkozy : la dénonciation haineuse de Mai 68, la référence butée à l’école d’autrefois, les accusations calomnieuses contre la pédagogie et les enseignants, les éducateurs, dont les références ne s’arrêtent pas à 1880, le rejet du collège unique et de l’école pour tous, l’incapacité à comprendre que tous les enfants sont également doués pour les études, une conception brutale de l’autorité confondue avec l’obéissance, de l’égalité avec l’uniformité, de la citoyenneté avec l’apprentissage de la Marseillaise, toute cette rhétorique mensongère développée avec aplomb par Sarkozy mais aussi par Le Pen et Villiers, là encore interchangeables, et qui a dû leur apporter bien des suffrages, tout cela, donc, n’est pas venu de rien. Leur discours sur l’école – c’était mieux avant -  leur projet pour l’école – retour à l’école du passé – leur a été soufflé par tout un courant ultra- conservateur, qui, parce qu’il a ses entrées dans les médias (tiens, comme Sarkozy), a réussi à faire passer dans une partie de l’opinion, très ignorante des enjeux et de la réalité des questions éducatives, une image catastrophiste et passéiste de l’éducation, fallacieuse également, qui colle à merveille avec la vision de la société d’un individu qui prétend « liquider Mai 68 ». Ces gens-là, ces Brighelli, Lafforgue, Le Bris et consorts, par arrivisme (cf Brighelli faisant paillasson sans pudeur devant l’UMP) ou par idéologie, portent une responsabilité considérable dans la mise au pas du système éducatif et, au-delà, de la société, dont rêve Sarkozy. Un rêve qui va tourner rapidement au cauchemar.

A moins, évidemment, que les acteurs de l’école ne laissent pas faire, qu’ils abandonnent leurs mauvaises habitudes de crainte et de soumission devant l’autorité, qu’ils fassent passer l’intérêt de l’élève avant le respect d’une circulaire, qu’ils n’aient pas peur de placer « l’élève au centre » malgré la caricature malveillante colportée autour de cette image. Qu’entre l’obéissance à la loi et l’obéissance à leur conscience, ils choisissent la seconde alternative, comme le font déjà les enseignants d’Education sans frontière, lorsqu’ils cachent des enfants pourchassés par les policiers de Sarkozy. Qu’ils ne se laissent pas impressionner par un ministre de l’Education, indigne de sa fonction, qui menace de « faire condamner par des juges », un enseignant qui a eu le tort de critiquer Sarkozy. Ne pas avoir peur, finalement, c’est cela qui compte, alors qu’en cette lugubre soirée électorale, on a pourtant toutes les raisons d’avoir peur.

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Commentaires
A
Bonjour,<br /> Ce sont des gens comme vous qui mettez l'EN en l'air, et je suis ravie d'avoir mis mes enfants dans le prive depuis ...1 an.<br /> Nous avions tellement de gens haineux comme vous
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M
""Brute", ça fait 5 ans qu'il le montre. "Gominé", si c'est son goût, pourquoi pas ?" Comment dire? C'est d'un faux derche... C'est quand même la conjonction des trois termes qui "fait sens". Il y a une nette propension, ici, à ne pas réellement assumer ce qui est dit, à toujours biaiser (et je dis ça lors même que je ne porte pas Sarkozy dans mon coeur).
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L
"Brute", ça fait 5 ans qu'il le montre. "Gominé", si c'est son goût, pourquoi pas ? Par contre, "levantin", c'est vous qui êtes allé le chercher. Manifestement, le problème se trouve dans votre tête, pas dans la mienne.
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B
Je vous lisais, plutôt critique à vrai dire.<br /> Puis je lis ceci (j'ai coupé la quasi-totalité, le superflu, quoi) : "(...)une petite brute gominée(...)".<br /> Vous auriez dû ajouter "et levantine" pour devenir ce que vous êtes.<br /> Lubin, je vous croyais un peu excessif, mais j'ai le sentiment que vous avez un gros problème (et qui ne s'appelle pas "E.N.")
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P
"par un ministre de l’Education, indigne de sa fonction, qui menace de « faire condamner par des juges », un enseignant qui a eu le tort de critiquer Sarkozy" : mais quelle matière ce jeune prof enseigne-t-il ? Et devant quels élèves ? Sacré Meirieu, il a découvert la fontaine de jouvence maintenant !!
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