Les CRS au bistrot : Guignol mais pas seulement
Cela se passe avant-hier à Lyon. Deux camionnettes bourrées de CRS déchargent leur cargaison devant un café pour y arrêter de dangereux terroristes : des clients en train de fumer. Notons au passage que sur la quarantaine de fumeurs, ils n’en verbalisent qu’un seul, dont le prénom constitue un délit à soi tout seul : Hakim. Mais ce n’est sûrement qu’un hasard, on ne saurait suspecter nos braves policiers de racisme ; et d’ailleurs, ils ne l’ont pas reconduit à la frontière, faisant ainsi baisser d’un point la note trimestrielle de Hortefeux. Dans la ville de Guignol, les autorités ont l’habitude de faire très fort en matière de police mais cette disproportion grotesque entre la fin avouée et les moyens vient nous rappeler que nous sommes en train de tomber, beaucoup plus vite que prévu, dans une société de surveillance. Après les multiples lois carcérales de ces derniers mois, la généralisation des caméras à tous les coins de rue, la multiplication des fichiers, le flicage programmé d’internet, cette pantalonnade lyonnaise montre bien qu’il ne s’agit pas, pour le pouvoir, d’assurer la sécurité de la population mais de contrôler les citoyens. D’une certaine façon – et même si le rapprochement est un peu hâtif – la massivité et la brutalité des moyens mis en œuvre contre un café de Lyon, rappellent un peu les procédés employés contre les sans-papiers avec des dizaines de milliers de fonctionnaires, dans les préfectures, la police, la gendarmerie, les douanes, l’ANPE, l’inspection du travail, etc, mobilisés pour expulser quelques pauvres gens. Depuis plusieurs années, la police s’est vu (s’est laissé ou s’est fait) attribuer des prérogatives qui ne sont pas les siennes, comme par exemple, dans les établissements scolaires (avec ces fameux policiers « référents » qui font saliver les ministres successifs de l’EN). Par glissement, ce quadrillage est en train de s’étendre à toute la vie en société. N’est-ce pas ce qu’on peut alors appeler une société policière ?