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Journal d'école
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8 novembre 2021

SNU : l’arnaque du brassage social

 

Capture 08112021

Le brassage social par l’uniforme et l’encasernement  ? Le mythe éculé qui fait toujours fantasmer les nostalgiques du service militaire est repris aujourd’hui comme élément récurrent de la communication autour du SNU. Pensez donc : dans un pays miné par les inégalités, 15 jours d’enfermement collectif imposé aux jeunes de 15 à 17 ans suffiraient à effacer une vie entière d’injustices et de frustration sociale. Mais en dépit des images complaisamment véhiculées par les médias, la réalité du SNU est tout autre, comme le montre le nouveau rapport de l’INJEP sur le déploiement du SNU 2021, rapport qui confirme les résultats déjà connus par une enquête menée par le même organisme pour l’année 2019 (pas de SNU en 2020 pour cause de covid).

Sur les 14 000 participants (tous volontaires), seulement 4 % sont issus d’un quartier prioritaire (contre 8 % des jeunes de la même tranche d’âge). « Les enfants d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise sont surreprésentés (17 % des pères parmi les participants, contre 9 % au sein des personnes en emploi). Au contraire, les enfants de pères ouvriers sont sous-représentés (18 % chez les participants, contre 30 % des personnes en emploi) et il en est de même des enfants de mères employées (28 % contre 40 %). » Des chiffres identiques à ceux de l’année 2019 où 65 % des jeunes interrogés déclaraient appartenir à une  famille « très à l’aise » ou « plutôt à l’aise ».

Comme en 2019 également, les enfants des « corps en uniforme » sont surreprésentés : « 10 % déclarent avoir un parent qui travaille dans l’armée, la police, la gendarmerie ou chez les pompiers, ils sont même 37 % à avoir un parent qui a travaillé par le passé dans un de ces métiers, alors que les policiers et militaires ne représentent que 1 % de la population. »

Le parcours scolaire vient confirmer la non représentativité des jeunes du SNU : la grande majorité des jeunes proviennent de secondes générales et technologiques (78 %), alors que les filières professionnelles (secondes professionnelles et CAP) sont fortement sous-représentées : seulement  11 % des participants au SNU contre 33 % des jeunes des classes d’âge concernées. « Cela montre les profils spécifiques des jeunes s’étant inscrits pour participer au SNU », écrit l’INJEP.

Confusion déjà relevée en 2019 : quand 83 % des participants déclarent avoir rencontré durant leur séjour des jeunes d’un milieu différent, les différences évoquées portent alors sur les centres d’intérêt, les valeurs ou le territoire d’origine. « Comme en 2019, les différences de milieu sont davantage appréhendées d’un point de vue culturel [ou géographique] qu’en termes d’inégalités sociales. »

Cette non représentativité des participants se retrouve également dans leur centre d’intérêt et leur projet professionnel : 53 % sont principalement intéressés par une carrière militaire, 43 % par la police et gendarmerie, 34 % les pompiers. Donc une préférence marquée pour les métiers de la sécurité qui réduit à pas grand-chose la rhétorique officielle sur le SNU comme outil d’orientation professionnelle. Du reste, interrogés sur les modules et thématiques qu’ils ont préférés pendant leur séjour, 70 % mettent en avant les activités physiques et sportives, 64 % celles en rapport avec la défense et la sécurité… seulement 9 % sur le développement durable et la transition écologique. Manifestement, les participants du SNU ne se sentent guère concernés par le réchauffement climatique… des participants trompés par une vision bien réductrice de la solidarité.

Car ce que cette enquête confirme, pour qui en doutait encore, c’est que le SNU est d’abord une mystification, promue par un gouvernement, par un régime politique, pour lesquels la solidarité et la justice sociale n’ont jamais été une priorité. Tout spécialement à l’école : avec un système scolaire profondément inégalitaire et élitiste, fondé sur la compétition et la sélection, où les résultats des élèves restent étroitement corrélés au milieu social, le SNU apparaît comme une diversion grossière (et éperdue) pour tenter de dissimuler les failles systémiques d’une école dite de la république qui n’a jamais été en mesure, pas plus aujourd’hui que par le passé, de mettre en œuvre les valeurs sur lesquelles elle prétend s’appuyer. Ce que 13 années d’école obligatoire n’auraient pas permis d’assurer, 15 jours en uniforme au garde-à-vous devant le drapeau viendraient le compenser. A défaut de solidarité, l’uniformité, l’identité nationale. A défaut de responsabilité, la soumission à un ordre qu’il est interdit de remettre en cause.

A propos d’école, justement : on apprend par ce même rapport que 14 % des jeunes participant au SNU 2021 ont été incités à s’y inscrire par des enseignants ou des membres de l’établissement… Avec le SNU, plus besoin de sergents recruteurs ; ils sont sur place.

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