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Journal d'école
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7 décembre 2021

2022 : l'école dans la campagne pestilentielle

Capture 07122021Un prêcheur de haine en campagne électorale au milieu d’un public hystérique : les images du meeting de Villepinte confirment que le débat politique en France est sérieusement gangrené par une violence qu’on n’a sans doute jamais connue à un tel niveau – du moins à une époque récente – et surtout banalisée à un tel niveau d’adhésion : une extrême-droite majoritaire dans l’opinion sondée, toutes tendances confondues, suivie par une droite à peine moins extrême.

Comme aucune enquête sociologique ne vient confirmer le lien entre le poids de l’extrême-droite et le déclassement social ou une misère de masse, il faut convenir que l’explication est à chercher ailleurs que dans une sorte de fatalité qui pousserait les plus pauvres dans les bras d’un sauveur. A Villepinte, comme dans tous les rassemblements d’extrême-droite, le ralliement se fait autour des symboles nationaux, drapeaux brandis comme des gourdins, Marseillaise éructée par une foule pour laquelle le sang impur qui abreuve les sillons doit bien vouloir dire quelque chose. Qu’elle s’exprime dans la bouche de Zemmour, de Le Pen ou de Ciotti, la rhétorique d’extrême-droite est fidèle à ses fondamentaux : le culte de la nation, incarnée par un chef et son corollaire, la haine de l’étranger.

Mais comment le nationalisme et la xénophobie peuvent-ils phagocyter un débat politique au point d’écraser tout le reste ? Comment des millions d’électeurs peuvent-ils être persuadés que leur avenir dépend de l’adoration de quelques grands ancêtres et de l’expulsion des étrangers ? Que leur sécurité sera assurée par des « Guantanamo à la française » ? Que la garantie d’une « France de mille ans » - avatar du Reich de mille ans promise par un des mentors de Zemmour - saura les protéger des bouleversements environnementaux ? Que des barbelés aux frontières stopperont comme par miracle les virus qui se baladent sur la planète ? Comment, au moment de déposer un bulletin de vote dans l’urne, des fantasmes identitaires peuvent-ils étouffer les enjeux économiques et sociaux qui conditionnent la vie en société ?

Certes, la responsabilité de la presse est écrasante dans la fabrication du candidat Zemmour, dans la promotion d’une mystique pathologique comme projet politique. Certes, depuis 2002 et l’accession de Le Pen au second tour des présidentielles, quasiment tous les partis politiques ont décalé vers la droite leur système de références. Mais surtout, tous ont repris à leur compte la rhétorique identitaire de l’extrême-droite, en cherchant bien maladroitement à la couvrir d’un verni policé : république et laïcité comme faux nez du racisme et de la xénophobie. Avec, comme résultat de cet aveuglement, une quasi-majorité de l’opinion sondée s’affichant sans honte pour l’extrême-droite (contre 10 % pour l’AfD en Allemagne après une campagne électorale dans laquelle les partis politiques se sont bien gardés de réveiller les vieux démons ; quand Zemmour en France s’exhibe comme admirateur de Pétain, les Allemands, eux, n’ont sans doute pas la mémoire courte.) Aux fanatiques des meetings d’extrême-droite hurlant « on est chez nous », aucun candidat n’a encore eu le courage de répondre que les 68 millions d’habitants vivant sur le territoire français étaient aussi chez eux…

Mais dans cette quête effrénée de l’identité nationale, on ne peut nier que l’école ait joué un rôle amplificateur. Les programmes d’histoire toujours majoritairement construits, surtout à l’école élémentaire, autour de l’histoire nationale et de ses héros, l’éducation dite morale et civique dévoyée par un républicanisme exclusif, la participation de plus en plus obligée des élèves aux cérémonies patriotiques et militaires, l’éducation à la défense qui entretient le mythe d’une menace étrangère, la mise en place avec le SNU d’une période d’encasernement obligatoire dans la scolarité des élèves : autant de dispositifs institutionnalisés qui donnent un surcroît de légitimité aux fondamentaux de l’extrême-droite.

De quelque côté que l’on regarde la question, faire naître chez l’élève une conscience nationale, qui n’existe évidemment pas à l’état natif, porte en germe, à travers une différenciation artificielle entre « nous » et « les autres », des sentiments de méfiance, d’hostilité, d’orgueil béat (ce candidat à la primaire LR estimant que la civilisation française était « supérieure à toutes les autres »…) constitutifs du racisme et de la xénophobie.

L’école, objet d’une surenchère identitaire qui ne se connaît pas de limites (mais également de projets éducatifs brutalement réactionnaires), est aujourd’hui prise en otage dans un débat politique véritablement pestilentiel.

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