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Journal d'école
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10 janvier 2022

Covid à l’école : déroute de Blanquer, échec d’un système scolaire

Capture 10012022 2Le 13 janvier, mouvement de grève à l’appel de tous les syndicats enseignants du public et du privé. Si ce mouvement, inédit dans son unanimité, en dit long sur les frustrations, les rancœurs, les colères accumulées contre la personne du ministre depuis bientôt cinq ans, son déclenchement, l’écho qu’il reçoit un peu partout ne sont cependant pas sans ambiguïté.

L’incompétence du ministre, son amateurisme, son incapacité à écouter, la certitude d’avoir toujours raison, sa brutalité, son manque total d’empathie éclatent au grand jour dans sa non-gestion du covid à l’école, jusque dans des médias qui, pourtant, jusqu’à présent n’ont jamais tari d’éloges sur son compte. Mais cette équivoque n’est pas absente non plus, au moins pour une part, de la protestation enseignante contre un ministre qui, du moins pendant un certain temps, a bénéficié dans les rangs de la profession d’une complaisance ou d’une indulgence plus ou moins marquées. Et pourtant ce Blanquer incompétent, amateur, incapable d’écouter, certain d’avoir toujours raison, brutal etc, dénoncé aujourd’hui à juste titre pour ses carences et son indifférence dans la lutte contre le covid est le même que le Blanquer qui, depuis cinq ans, conduit l’EN à la trique pour faire passer une politique inique et rétrograde. Vu sous cet angle, il est permis d’éprouver un sentiment de gêne devant l’appel à la grève lancé par un syndicat d’inspecteurs, les mêmes inspecteurs qui, jusque-là ont tenu le rôle de serviteurs souvent zélés (les obligations statutaires ne justifient pas toutes les compromissions) d’un ministre qu’ils ne peuvent faire aujourd’hui autrement que contester. Le déboulonnage de la statue de Blanquer ne sera effectif que si la contestation touche l’ensemble de la politique éducative menée ces dernières années. Il n’est pas certain que ce soit le cas…

Surtout si, comme on l’entend, les revendications devaient se limiter à exiger du ministre l’adoption de quelques mesures qui, même en posant un éventuel bénéfice, n’en seraient pas moins très insuffisantes face à une pandémie hors norme et dont la nature dépasse le cadre des solutions routinières … quand elles ne sont pas surréalistes. Tester chaque semaine et plusieurs fois par semaine des millions d’élèves (au détriment de leur mental et de leur santé), adopter des masques FFP2 (contre lesquels, il y a peu de temps, les experts mettaient en garde), généraliser dans les salles de classes l’installation de capteurs etc, autant de dispositions peut-être utiles mais qui laissent de côté le fait que si la gestion de la crise en milieu scolaire pose, depuis le début, autant de problèmes – sauf à considérer la fermeture prolongée des établissements comme la seule solution viable – c’est d’abord parce que le virus a touché de plein fouet une institution qui, de par sa nature, n’était pas en état de réagir comme il l’aurait fallu : ce que le covid met en lumière, c’est la lourdeur d’un système scolaire paralysé par des habitudes, des principes, qui l’empêchent de fonctionner quand il est confronté à des difficultés certes exceptionnelles mais surtout inattendues.

Le covid à l’école, c’était l’occasion (c’est toujours ?) de poser la question de programmes officiels lourds, rigides et intouchables même lorsqu’ils sont reconnus comme un obstacle au progrès des élèves et à l’individualisation des apprentissages. Le covid à l’école, c’était aussi le moment rêvé pour remettre à leur place et désacraliser les contrôles et examens (bac, DNB) autour desquels tourne toute la scolarité des élèves. Occasion également de remettre en question le cloisonnement disciplinaire et le sacro-saint emploi du temps hebdomadaire qu’un grain de sable peut rendre ingérables. Dans cette optique, certaines écoles n’ont pas attendu la circulaire jamais venue pour multiplier les activités en/de plein air autrement plus efficaces pour se protéger du virus qu’un capteur de CO2. Autre occasion ratée : relancer la réflexion sur un calendrier scolaire qui privilégie l’intérêt des professionnels du tourisme au détriment de celui des élèves : était-il sérieusement envisageable de fermer les établissements quand (dans la zone B), un mois de travail sépare les vacances de Noël de celles d’hiver ?

Pour tout ceci, comme pour beaucoup d’autres initiatives, il aurait suffi dès mars 2020 d’une simple circulaire ministérielle tenant en quelques mots : « pendant la pandémie, les enseignants adaptent aux élèves et aux circonstances les programmes, les pédagogies, les horaires… » On peut toujours rêver... Pour initier ce mouvement, il aurait fallu autre chose que les déclarations futiles et orgueilleuses (« nous sommes prêts ») d’un ministre aussi déconnecté du terrain que méfiant à l’égard de ses personnels. Autre chose qu’un système infantilisant, qui ne sait fonctionner que sur le mode de l’injonction, voire de la menace… un système, il est vrai, que trop peu d’enseignants, par habitude ou par conviction, sont disposés à remettre en cause. En janvier 2022, le covid à l’école signe, certes, l’échec de Blanquer et d’une gouvernance aussi brutale qu’inefficace mais au-delà, l’échec d’un service public archaïque, centralisé, autoritaire, reposant sur la déresponsabilisation de ses acteurs.

Touchée non seulement par un virus mais tout autant par un contexte électoral hystérique, chaque candidat rivalisant de propositions ubuesques et/ou démagogiques, l’Education nationale a laissé passer une nouvelle occasion de se transformer, de répondre à de nouveaux enjeux, au risque, cette fois-ci, de ne pas s’en remettre.

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