Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Journal d'école
Publicité
Archives
5 septembre 2006

Violences à l'école : c'est facile, ça rapporte gros mais ça coûtera cher

Parmi les questions embarrassantes que pose la violence en établissement scolaire, celle de savoir si elle est ou non en augmentation. Les instruments de mesure n’existent que depuis peu, par exemple, le logiciel Signa utilisé par l’Education nationale, depuis 2001 uniquement. Pour les périodes antérieures, on a au moins deux certitudes : d’abord, les violences scolaires existent depuis que l’école existe, ensuite, pendant longtemps, on n’en parlait pas, soit qu’on les tenait cachées, soit qu’elles n’intéressaient pas l’opinion. Les historiens de l’éducation savent que dans le passé, proche ou lointain, les violences étaient monnaie courante, quasi-rituelles dans les établissements d’enseignement, violences entre élèves, violences des élèves contre les maîtres, ces dernières étant souvent, soit dit au passage, la réponse à la violence des maîtres sur les élèves. On a la mémoire courte lorsque l’on parle de l’école : a-t-on oublié cette soirée d’hiver 1973 au cours de laquelle le collège Pailleron était parti en fumée, entraînant dans ces flammes une vingtaine de victimes, presque toutes des élèves ? Les incendiaires : deux élèves du même collège. Et pourtant, cette époque pompidolienne était toujours sous le règne des bonnes vieilles méthodes éducatives, de la blouse grise et des coups de règle sur les doigts. Coups de règle sur les doigts qui n’empêchaient pas les petites mains incendiaires. C’est pourtant cette époque que nos politiciens unanimes, à la chasse aux voix des électeurs apeurés, voudraient voir restaurer.

On ne reproche pas au Point d’évoquer la violence à l’école mais d’en parler mal et de ne parler que de cela. D’englober sous la même rubrique « violences » un carreau cassé et une tentative de viol. De donner de l’école une image caricaturale qui n’est pas conforme à la réalité : l’école est aujourd’hui un lieu où l’on apprend, où l’on grandit, où l’on s’initie à la vie en société et il faut être d’une insigne mauvaise foi pour affirmer que, dans tous ces domaines, l’école ne joue pas son rôle, ce qui ne signifie évidemment pas que tout soit parfait ni même toujours satisfaisant. Mais pourquoi faudrait-il qu’en ce bas monde, l’école soit la seule institution idéale ? On attend toujours des médias et des politiques qu’ils évoquent avec la même obstination la violence dans le monde du travail, la violence dans le monde rural, la violence dans les commissariats ou dans les casernes. Au-delà du matraquage médiatique sur la violence à l’école, il faut voir une véritable volonté de dénigrement non seulement du système scolaire mais, plus précisément de l’acte même d’éduquer. Tout cela récupéré par des politiciens sans vergogne. Particulièrement significative est à cet égard la proposition de Royal d’un second adulte dans la classe, chargé de la « discipline » pendant que le prof se verrait réservé ce qu’elle appelle la « transmission du savoir ». Il s’agit-là d’un véritable déni d’éducation car qu’est-ce donc que l’enseignement, le savoir, sinon une forme d'éducation ? Derrière cette idée, aussi extravagante qu’incongrue, comme d’ailleurs derrière  l’acharnement des politiques à faire rentrer la police à l’école, se retrouve quelque chose qui ressemble un peu (beaucoup) à ce vieux rêve mussolinien qui consiste, dans la société, à « faire passer le policier avant l’instituteur ». Comme dans le reste de la société, d’ailleurs, la fixation de l’opinion sur la violence à l’école ne cache même plus la volonté obstinée de punir encore davantage, de réprimer, alors que le système éducatif français est reconnu pour être déjà l’un des plus punitifs qui soient. Aujourd’hui, le thème de la violence à l’école joue le même rôle que celui sur l’insécurité il y a cinq ans, avec les conséquences que l’on sait : un état de plus en plus brutal, policier dans le mauvais sens du terme, et des libertés publiques qui se réduisent comme une peau de chagrin. Lorsque les médias et les politiques réduisent les questions éducatives à un triste tableau de la violence scolaire, ce n’est pas dans le but d’informer ni même d’y porter remède mais il  s’agit avant tout d’un projet idéologique fort visant à mettre en place une société sous surveillance, sous camisole, une société policière.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité