Missile, éducation civique et 11 novembre
L’armée française travaille à la paix. C’est du moins le message qu’elle cherche à faire passer dans la tête des collégiens de 3e à travers le programme d’ « éducation cvivique » sur l’esprit de défense. Dans cette optique résolument pacifiste, l’armée a procédé ce matin – « avec succès », précise-t-on, on a les succès qu’on peut – au premier tir d’essai du nouveau missile stratégique M 51. Ce missile, d’une portée de 8000 kilomètres doit équiper dans l’avenir – mais l’avenir militaire, on a des raisons de s'en méfier – les sous-marins nucléaires lance-engins de la marine de guerre (baptisée par euphémisme marine nationale). Autrement dit, dans quelques années, l’armée aura le pouvoir d’envoyer une bombe atomique sur n’importe quel point de terre, n’importe quelle ville de la planète, n’importe quel homme, n’importe quelle femme, n’importe quel enfant. Face à ce qu’il convient d’appeler un terrorisme d’état, il faut bien reconnaître que Ben Laden fait figure d’enfant de chœur. On signale accessoirement que ce programme est d’un coût estimé de 8 milliards d’euros ; mais, après tout, que sont 8 milliards d’euros pour un pays comme la France où la pauvreté n’existe pas, où chacun peut se nourrir à sa faim, se loger, se soigner, éduquer ses enfants à son gré ? Quand l’honneur de la France est en jeu, on ne va quand même pas chipoter comme de vulgaires quart-mondistes.
Revenons pour finir à nos collégiens. Il y a un siècle, disons, en 1906, les écoliers écoutaient sagement les leçons de morale civique de leurs maîtres : la France n’aimait pas la guerre, la France ne ferait jamais la guerre mais s’il fallait la faire, alors on n’hésiterait pas. Soumis à un bourrage de crâne intensif, nombre de ces écoliers ne s’en remettront jamais : près d’un million et demi d’entre eux mourront quelques années plus tard dans les tranchées, plusieurs millions reviendront définitivement estropiés, trompés qu’ils avaient été par leurs maîtres et par une institution scolaire qui les a conduits à l’horreur. Un siècle plus tard, l’ « éducation civique » (resic) en collège, est-ce vraiment différent ? Les programmes officiels mettent en avant les « missions de paix » de l’armée – et d’ailleurs, on ne dit jamais « armée », dans les programmes scolaires mais « défense », l’armée n’est là que pour défendre les populations, même avec des missiles de 8000 kilomètres de portée. Un peu comme en 1906. Méfiez-vous quand même, collégiens. Ces missiles risquent fort, le jour où ils seront employés, d’écourter votre espérance de vie ; et pas seulement la vôtre, d’ailleurs. Et vous autres, écoliers, si jamais vos maîtres vous invitent à participer, dans deux jours, aux cérémonies du 11 novembre, surtout ne croyez rien de ce qu’ils vous racontent, fuyez-les comme la peste. Partez plutôt en week-end. L’air de la mer, ça fait du bien.