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Journal d'école
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10 décembre 2006

Quand les politiciens imaginent l'école du futur (suite et pas fin)

En se portant candidat à la présidentielle, de Villiers vient donc de présenter son programme « éducatif » : rétablir l’ordre et la discipline dans les établissements scolaires, blouse et uniforme obligatoires pour tout le monde, le drapeau tricolore dans les cours de récré. Voilà, c’est tout. Pas la peine d’interroger de Villiers sur les programmes, les méthodes pédagogiques, les rythmes scolaires, l’évaluation, l’orientation, la formation des enseignants ; il est probable qu’il n’y a jamais réfléchi. Quelques mesures simples et fortes suffiront. Même s’il est vrai que l’agité du bocage – pour reprendre le qualificatif du Canard enchaîné – n’a jamais été pris très au sérieux, on constate néanmoins qu’aujourd’hui, il n’hésite pas à avancer publiquement des conceptions qui, il y a peu encore, auraient fait rire tout le monde. C’est dire le chemin parcouru – en arrière – en matière éducative. Il est vrai que de Villiers n’est pas le seul à partager sa vision caricaturale de l’éducation. Rappelons que le thème de la tenue vestimentaire des élèves et de l’uniforme – qui, soit dit au passage, n’a jamais existé en France  - avait été jeté dans l’opinion publique par quelques politiciens de l’UMP, Darcos, Raoult, d’autres encore, avant d’être popularisé par les médias, repris par Bayrou et toute une mouvance de gauche au nom de la défense de la laïcité.  De même, on connait l’idôlatrie de la gauche pour les symboles nationaux, certains dirigeants du PS réclamant même qu’on la fasse chanter tous les lundis matin dans toutes les écoles. Donc, si de Villiers est pitoyable et ridicule, il n’est pas le seul.

Cette façon complètement irrationnelle d’aborder les questions éducatives révèle bien sûr une très grande ignorance du sujet ainsi qu’une approche populiste des questions de société, mais elle  relève surtout d’une forme de pensée qu’on pourrait qualifier de « magique » : on s’interdit toute analyse, toute réflexion pour feindre de se satisfaire de solutions simplistes, en fait sans rapport avec le problème qu’elles sont censées résoudre. Autrefois, dans les écoles catholiques, la journée commençait par la prière collective ; cette tradition a été abandonnée lorsqu’on s’est rendu compte que cette prière n’aidait pas spécialement au travail scolaire de la journée mais surtout ne contribuait en rien à former de bons chrétiens. On dit même que des générations d’athés sont issus d’établissements catholiques. Aujourd’hui, c’est donc l’école publique qui s’inspirerait de pratiques délaissées depuis longtemps par l’école privée. Car qu’est-ce donc que la Marseillaise, sinon un hymne religieux, qu’est ce que le drapeau national sinon l’équivalent du crucifix qu’on voyait autrefois sur les murs des écoles ? Des symboles, auxquels on est forcé de croire, devant lesquels on s’agenouille en laissant son esprit critique à la porte. Il est certainement plus facile de faire flotter un chiffon sur le fronton des écoles, de faire brailler des couplets sur le sang impur, voire d’affubler les élèves d’une blouse grise ou d’un « grand Tshirt siglé d’un slogan » (sic) comme le réclamait Darcos, que de mettre en œuvre chez les élèves des mécanismes qui leur permettront d’apprendre et de se former efficacement. Il est d’ailleurs curieux de constater que les plus acharnés à réclamer l’instauration de ces rituels dérisoires limitent leur curiosité pour les questions éducatives à ce seul sujet : peu importe qu’un élève soit en situation d’échec, peu importe qu’à l’issue de sa scolarité, un jeune se retrouve dans une impasse, son avenir hypothéqué, peu importe que l’école, dite hypocritement « de la république », ne remédie en rien aux inégalités sociales ; avec la blouse grise et la Marseillaise, l’échec et les injustices, ça se remarque moins.

[Sur de Villiers, on peut (re)lire aussi : « Qui copie qui ? » (Journal d’école, 10/09/2006) http://journaldecole.canalblog.com/archives/2006/09/10/index.html]

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Commentaires
L
d'accord avec ce qu'écrit bgt, au moins jusqu'à l'après bac.<br /> d'autant plus que les "milieux économiques" sont incapables de prévoir sur le long terme les évolutions dans ce domaine.<br /> <br /> Et pourtant dans la tête des parents et des enfants "on vient à l'école pour avoir un bon métier plus tard"
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B
L'école ne devrait pas du tout avoir comme objectif de préparer à un métier. C'est le cas parce que le patronat refuse de mettre des billes dans la formation professionnelle et que cela crée une instabilité des situations qui rend les salariés encore plus dociles.
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L
Mais l'école n'a pas pour unique objectif de préparer à un métier !
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F
L'utopie égalitaire <br /> <br /> Supposons une école idéale qui transforme absolument tous les enfants en medecins, professeurs, ingenieurs, avocats...<br /> <br /> Dans ce cas, qui va se charger de tous les metiers pénibles et moins prestigieux? Uniquement des immigrés? Ainsi l'utopique société égalitaire révèle bien qu'elle a besoin d'inégalité pour exister.
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