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4 janvier 2021

Malgré le covid, le SNU reste une priorité

« Le déploiement du SNU dont le coût dérive sensiblement par rapport aux prévisions initiales ne s’aurait s’opérer au détriment du soutien à la vie associative ». En procédant (21/10/2020) à l’examen du rapport (Eric Jeansannetas) sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative », les sénateurs ont eu l’occasion de dire toute la méfiance que leur inspire le projet. Non pas tant sur les principes qui sous-tendent le SNU – ne rêvons pas, le pacifisme pas plus que l’émancipation des jeunes n’ont jamais été à l’honneur au Palais du Luxembourg – mais sur un financement en tout point surréaliste.

Si les crédits du programme 163 (Jeunesse et vie associative) sont censés progresser de 1, 4 % en 2021, ceux du SNU (intégrés au programme en question), passeront de 29, 8 millions d’euros en 2020 à 62, 3 millions d’euros en 2021, soit une augmentation de 109 % ! Il faut croire que c’est une priorité. Et le rapporteur de sortir sa calculette et d’ouvrir des yeux ronds :

en 2019, la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA)  « évaluait le coût moyen par jeune d'un séjour de cohésion [les 15 jours d’encasernement] à 1 500 euros, ce qui correspondait aux crédits demandés à hauteur de 30 millions d'euros. Douze mois plus tard, le coût du dispositif s'est considérablement renchéri, puisque ce sont 62,3 millions d'euros qui sont demandés pour un objectif de 25 000 jeunes . » Une augmentation qui s’explique principalement par le coût des campagnes de communication – que serait effectivement le SNU sans le battage médiatique qui l’entoure ? – et surtout les dépenses en personnel : pas moins de 4382 personnes à recruter pour l’encadrement de 25 000 jeunes pendant une durée de 14 jours (un taux d’encadrement de 1 adulte pour 5 jeunes…). On aboutirait ainsi à un coût de 2200 euros par jeune.

Et les sénateurs de s’interroger :

« d'une part, au regard de la sincérité de la prévision proposée l'an dernier ; d'autre part, eu égard à la capacité des finances publiques de supporter un service national universel généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge de 800 000 jeunes, ce qui signifierait un coût complet du dispositif en fonctionnement de 1,76 milliard d'euros. »

Avant de conclure :

« dans ces conditions, il me semble que la question de l'opportunité et de notre capacité à généraliser le dispositif à l'ensemble d'une classe d'âge de 800 000 jeunes doit être posée. »

Ces estimations budgétaires ne surprennent pas : elles confirment l'enquête menée par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP, mars 2020, résumée ici) qui pointait déjà « les données financières lacunaires » entourant le SNU mais aussi les estimations fournies il y a bientôt trois ans par ses initiateurs (rapport Menaouine, mon analyse ici) qui tablaient sur un coût annuel de « plusieurs milliards d’euros », autrement dit au moins 2 milliards d’euros.

Certes, le covid a singulièrement bouleversé les projets gouvernementaux : après la phase d’expérimentation de 2019, largement médiatisée, regroupant un peu moins de 2000 volontaires, 5000 jeunes (sur les 30 000 prévus) s’étaient portés volontaires en 2020, avant que le séjour de cohésion ne soit, dans un premier temps, reporté puis annulé. Le flou est encore plus total pour la mission dite d’intérêt général (12 jours ou 84 heures en continu ou en perlé) dont on n’est même pas certain qu’elle ait été réalisée par tous les volontaires de l’année 2019…

Certes, si la perspective d’une généralisation rapide du SNU s’est un peu éloignée (difficile, en tout cas, d’en tirer profit dans le cadre de la prochaine élection présidentielle), sa préservation dans les discours et dans les organigrammes officiels, la place qu’on lui concède dans les dépenses publiques, laissent pourtant planer peu de doute sur l’obstination du gouvernement à mener le projet à son terme. Pourquoi en irait-il autrement puisque le SNU, depuis trois ans que ses modalités sont connues, n’a suscité qu’une très marginale opposition, notamment de la part des enseignants et de leurs organisations dites représentatives (à quelques rares exceptions près) ? De la part également des organisations lycéennes, à la représentativité il est vrai douteuse. Plus globalement, de la part d’une société massivement nostalgique du service militaire (Mélenchon mais pas seulement …), aveugle face à des choix politiques et budgétaires objectivement absurdes et irresponsables : dans un contexte de crise sanitaire inédite, de désordres environnementaux destinés à durer, l’entêtement autour du SNU, tout comme la priorité accordée aux dépenses militaires (+ 4, 5 % dans le budget 2021) ou le refus de remettre en cause la dissuasion nucléaire, témoignent d’une incapacité problématique à comprendre le monde d’aujourd’hui et la nature réelle des menaces qui pèsent sur la planète.

 

Capture 04012021

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