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Journal d'école
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19 octobre 2011

Dessine-moi un canon...

A l’initiative de l’inspecteur d’académie du Var, les écoles primaires du département sont « invitées », selon la formule consacrée, à faire participer leurs élèves à l’opération lancée chaque année par Solidarité Défense, à destination des militaires français engagés à l’étranger dans ce qu’on appelle pudiquement les « opérations extérieures » (OPEX). Car comme on le sait, la France ne fait pas la guerre. Il s’agit pour l’association, émanation directe du ministère de la Défense et présidée par l’amiral Lanxade, de faire parvenir aux soldats un colis de Noël accompagné de dessins d’enfants. D’où la mobilisation des autorités académiques du Var enjoignant aux enseignants de « mettre en place le plus rapidement possible (…) des actions à caractère pédagogique » en liaison avec ladite association [courrier du 07/10/2011].

Dans le but de les éclairer sur les OPEX, l’inspecteur d’académie délivre aux enseignants une information à sens unique, provenant exclusivement des autorités militaires : « les militaires français (…) ont pour mission de construire ou de consolider la paix (…). Ils fournissent une aide médicale d’urgence, participent à la reconstruction d’infrastructures » ou encore « ils favorisent le renouveau d’une activité économique pérenne (…) ». Pas moins. Les enfants des écoles ne sont pas censés savoir que les guerres – il faut quand même bien les appeler par leur nom – auxquelles participe l’armée française ont souvent des odeurs de pétrole, comme au Moyen Orient ou des relents de colonialisme, comme en Afrique  ou encore fleurent bon les juteux contrats d’armement. Surtout, les enfants doivent être tenus dans la plus totale ignorance d’une vérité tellement criante qu’on préfère effectivement la taire : la guerre tue, massivement, à commencer par des innocents, comme ce fut le cas, par exemple le 6 avril 2010, lorsque quatre civils afghans furent victimes d’un tir de missile français.

Cette initiative de l’inspection académique du Var n’a rien de nouveau : elle s’inscrit dans une  tradition de collaboration déjà ancienne entre les ministères de l’Education et de la Défense, visant à développer « l’esprit de défense » dans la population scolaire. Depuis bientôt trente ans,  de protocoles en circulaires (le premier protocole Armée-Ecole remonte à 1982), la propagande militaire tient lieu de formation exclusive des citoyens sur la guerre et interdit de fait toute interrogation sur des questions comme la bombe atomique, les budgets militaires, le commerce des armes ou la légitimité de la violence pour résoudre les conflits. Sous la houlette des « trinômes académiques », extravagantes structures où l’inspection pédagogique cautionne sans sourciller le discours des autorités militaires, l’esprit de défense s’est incrusté dans les programmes officiels, les manuels scolaires et jusque dans les sujets d’examen comme c’est le cas, régulièrement, avec le Diplôme National du Brevet (DNB).

C’est ainsi tout un pan de l’éducation civique qui se trouve gangrené par l’idéologie guerrière, avec la complicité tacite massive, qui confine à l’aveuglement,  des enseignants, qui, à de rares exceptions près, n’ont jamais semblé prendre conscience des véritables enjeux du sujet. Car l’esprit de défense à la diffusion duquel l’école participe est à tous égards condamnable : en imposant une vision partisane de la guerre, jamais débattue, elle se fait morale officielle, morale d’état, elle ne respecte pas la liberté de conscience des élèves, des familles, des enseignants. La banalisation de la guerre véhiculée par l’esprit de défense – le mot « guerre » est d’ailleurs soigneusement gommé des programmes – contribue à faire accepter avec passivité et fatalisme, ce qui reste un fléau de notre époque, avec les dépenses militaires irrationnelles qui l’entretiennent (plus de 1500 milliards de dollars dans le monde pour la seule année 2010).

Les instigateurs de « l’éducation à la défense » n’ont jamais fait mystère de ce qu’un de leurs objectifs était également de « satisfaire aux besoins de recrutement des armées ». Pour ce faire, les portes des établissements scolaires leur sont grandes ouvertes. Convaincu par un discours enjôleur, qui lui fait miroiter l’engagement militaire comme rien d’autre qu’un banal plan de carrière, le jeune qui signe son contrat ne peut réellement avoir conscience que le métier des armes n’est pas un métier comme les autres, que l’on peut y tuer ou y mourir sur ordre. Les 75 soldats français morts pour rien en Afghanistan depuis dix ans, tous très jeunes et dont on peut penser que le premier contact avec l’armée remonte à l’époque de leur scolarité, sont aussi les victimes de l’éducation à la défense, de l’Education nationale.

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Commentaires
B
Merci pour le lien. Il va quand même falloir se bouger, parce que ce n'est sûrement pas avec le PS que les choses vont bouger toutes seules...
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O
oh secours lubin!!!!<br /> <br /> <br /> <br /> http://www.educationdefense.ac-creteil.fr/?var_hasard=159842890850a61698749b0
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L
... et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. Il y en a.
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E
http://maisonducombattant.over-blog.com/article-joyeux-noel-2011-94467349.html
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T
Les gens morts à la guerre, ils le sont pour rien.<br /> Juste bons à créer la tristesse et le ressentiment de leurs familles choquées à vie.<br /> Condition humaine ?
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