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Journal d'école
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14 janvier 2019

Ecole et referendum : les deux ne font pas la paire

C’est du dernier chic, très tendance, le referendum. Populaire, citoyen, repris dans un même élan par les politiques, les chercheurs, les médias, avec une telle unanimité qu’on se demande pourquoi personne n’y a pensé plus tôt. Appliqué à un sujet comme l’école, peu présente dans l’actualité gilet jaune, on l’a vu apparaître subrepticement dans l’un de ces inénarrables catalogues exhibés - sans crainte de l’anachronisme ni du ridicule - comme un héritage des cahiers de doléances de 1789, à travers la revendication - cela ne s’invente pas – de l’interdiction de la méthode globale en CP (!). Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Ce vieux fantasme sur l’apprentissage de la lecture, en bonne place dans tous les projets scolaires de l’extrême-droite, pourrait être suivi par d’autres questions tout autant populaires à soumettre au referendum. En vrac : sur l’uniforme scolaire, sur le redoublement, sur le rétablissement d’un examen d’entrée en 6e, sur l’évaluation par notes et non par compétences, sur le latin obligatoire, sur l’enseignement des grandes dates et des grands personnages de l’histoire de France, sur la mémorisation des départements et de leurs chefs-lieux etc. Les sujets ne manquent pas sur lesquels le « peuple » serait amené à donner son avis. Exemples caricaturaux ? Mais pas davantage que le rétablissement de la peine de mort, l’emprisonnement perpétuel, l’interdiction du mariage pour tous ou de l’IVG, remis au goût du jour à l’occasion du débat sur le referendum.

Car le referendum ouvre le champ de tous les possibles, à condition de savoir s’en servir…

En matière éducative, cette pratique faussement consultative est d’autant moins appropriée que l’établissement scolaire, dans sa définition physique (comme lieu de vie et de travail) est parfaitement adapté, même dans sa structure actuelle à l’exercice d’une démocratie de base. Il suffit de la vouloir. Tout à l’opposé du discours ministériel sur « l’autonomie » des établissements qui vise à renforcer la sujétion à l’autorité centrale, rien n’interdit, y compris et surtout dans le cadre d’un service public d’éducation, aux personnels, aux parents, aux élèves, d’adopter des pratiques de concertation, de débat, de prises de décision collectives, à l’instar, par parenthèses, de ce que pratiquent de longue date, des pédagogies dites « nouvelles ». Cet adjectif étant simplement utilisé pour désigner des dispositifs qui ne se sont jamais généralisés.

Une sorte de démocratie d’établissement construite sur la reconnaissance des compétences professionnelles des uns et la prise en compte de la parole de tous (à commencer par celle des élèves), paraît en tous points nettement préférable à la trompeuse certitude d’un referendum dont le qualificatif de « populaire » n’a pas plus de sens que la simple référence à un « peuple » jamais défini. Qu’une loi soit le fruit d’un vote parlementaire ou d’un referendum ne change fondamentalement rien au fait qu’elle n’est représentative que d’une majorité relative de l’opinion publique (comme c’est le cas en Suisse avec un taux d’abstention tournant habituellement autour de 50 %). Mais surtout, posée en ces termes, la question en occulte une autre, pourtant plus sérieuse : celle de la nécessité d’avoir recours à une loi, par essence impérative et souvent arbitraire, pour régir en permanence les relations entre les individus. Qui n’en demandent pas forcément autant… Et précisément, un système éducatif, comme celui de la France, qui souffre d’un fonctionnement vertical et hiérarchique – fruit d’une histoire ancienne et de crises d’autoritarisme des ministres successifs – n’a rien à gagner à voir se renforcer un type de fonctionnement organisé autour d’une décision imposée d’autorité, dont l’effet le plus certain serait de déresponsabiliser encore davantage les acteurs de l’école et, partant, de renforcer encore leur soumission à la hiérarchie. Une tendance à laquelle certains d’entre eux ne sont déjà que trop portés…

Que la généralisation du referendum, réclamée de longue date par l’extrême-droite, soit devenue emblématique d’un mouvement aussi brutal et intolérant que celui des gilets jaunes, est dans la logique des choses. La mise en avant de cet objet vient rappeler que la démocratie ne se définit pas par la loi du nombre qui est souvent celle du plus fort mais qu’elle est inséparable du débat, de la libre parole, du respect des différences et surtout que, pour faire sens, elle ne peut avoir pour objectif final que le renforcement de l’autonomie, de la prise de responsabilité, en un mot de la liberté des individus.

 

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